Un pays à l'aube par Dennis LEHANE (2008)

4ème de couverture : L'Amérique se remet difficilement des soubresauts de la Première Guerre mondiale. De retour d'Europe, les soldats entendent retrouver leurs emplois, souvent occupés par des Noirs en leur absence. L'économie est ébranlée, le pays s'est endetté et l'inflation fait des ravages. La vie devient de plus en plus difficile pour les classes pauvres, en particulier dans les villes. C'est sur ce terreau que fleurissent les luttes syndicales, que prospèrent les groupes anarchistes et bolcheviques, et aussi les premiers mouvements de défense de la cause noire. En septembre 1918, Luther Laurence, jeune ouvrier noir de l'Ohio, est amené par un étonnant concours de circonstances à disputer une partie de base-ball face à Babe Ruth, étoile montante de ce sport. Une expérience amère qu'il n'oubliera jamais. Au même moment, l'agent Danny Coughlin, issu d'une famille irlandaise et fils aîné d'un légendaire capitaine de la police de Boston, pratique la boxe avec talent. Il est également chargé d'une mission spéciale par son parrain, le retors lieutenant McKenna, qui l'infiltre dans les milieux syndicaux et anarchistes pour repérer les " fauteurs de troubles " puis les expulser du territoire américain. A priori Luther et Danny n'ont rien en commun. Le destin va pourtant les réunir à Boston en 1919, l'année de tous les dangers. Tandis que Luther fuit son passé, Danny cherche désespérément le sens de sa vie présente, en rupture avec le clan familial. Dans une ville marquée par une série de traumatismes, une ville où gronde la révolte, la grève des forces de police va mettre le feu aux poudres...
Un pavé le dernier LEHANE, presque 800 pages en papier très fin, une semaine pour en venir à bout mais quel plaisir !
J’aimais déjà énormément cet auteur mais là, il s’est surpassé…
Il y a une telle densité dans ce roman qu’on a peine à croire qu’il se déroule sur seulement 2 ans, à Boston.
Deux personnages très importants entrainent le récit. Danny Coughlin, flic irlandais, issu d’une famille aisée, aurait pu avoir la plus paisible et confortable des existences mais après avoir suivi un temps les souhaits familiaux, il décide de se battre pour ses idéaux, quitte à tout perdre dans ce combat : famille, travail, amis, confort.
Je suis tombée en totale admiration devant le personnage de Danny Coughlin, tout en complexité et dont il émane un tel charisme que je le ressentais à travers les pages. Il ressemble d’ailleurs fort à un autre Danny (Upshaw) croisé dans Le Grand Nulle Part et qui reste mon personnage de roman préféré entre tous.
Puis il y a Luther Laurence, un noir obligé de quitter sa ville et sa femme enceinte suite à une sombre histoire de criminalité.
En parallèle, tout au long du roman, les diverses apparitions de Babe Ruth, célèbre joueur de base-ball (ayant réellement existé) nous ancrent dans l’histoire sociale et économique de l’époque.
D’ailleurs le 1er chapitre débute sur les chapeux de roue avec la description flamboyante d’un match « amical » de base-ball (si vous avez envie de comprendre les guillemets, lisez au moins le 1er chapitre ) disputé entre des noirs et des sportifs blancs professionnels.
« Ce moment fait de soleil, de ciel, de bois, de cuir, de muscles, de mains et de suspense intolérable était magnifique. Bien plus beau que les femmes, les mots ou même les rires. »
Ces trois destins vont se croiser, et la rencontre entre Danny et Luther, hautement improbable au vu des mœurs de l’époque (un blanc aisé et un noir en fuite), va permettre à chacun de se dépasser et de surmonter certains des obstacles dressés devant eux.
Tout cela se déroule dans un contexte politico-socio-économique survolté à Boston : fin de la guerre, retour des troupes, épidémie de grippe espagnole, grèves, émeutes, menace terroriste. L’intensité du roman ne retombe pas une seule seconde et on est totalement happé par cette épopée humaine et sociale au sein de l’Amérique du début du 20ème siècle.
Un roman noir mais dans lequel au bout du compte, l’espoir est permis : l’American Dream… (l’éditeur présente ce roman comme un thriller mais quant à moi, je préfère le qualifier de roman noir, d’excellent roman noir).
Ce titre est passé près du label « coup de cœur de Cécile » mais il m’a trop souvent évoqué Le Grand Nulle Part pour y avoir droit et pourtant, il m’a totalement et pleinement conquise !
Si je ne vous ai pas convaincu(e)s de lire ce livre de toute urgence, je rajoute quelques mots de Moisson Noire (avec son aimable autorisation) : « Voilà un roman magistral, et un auteur qui prend une nouvelle dimension. » et vous encourage à aller lire son avis, bien plus argumenté que le mien.