Chiens féroces par Daniel BRAJKOVIC (1998)

4ème de couverture : Daniel BRAJKOVIC (1963-1998) vient d’une famille d’immigrés croates. Son premier roman, Quitte à en crever, parait en 1993 chez Flammarion : c’est l’histoire de sept amis aux prises avec une existence dont ils refusent la médiocrité. Dans Chiens féroces, il suit l’itinéraire de trois camarades qui, par ennui et par désespoir, commettent une série d’actes irréparables. Ce roman est le terrible portrait d’inadaptés dont la douleur de vivre dans notre société s’est muée en fureur destructrice.
L’écriture de Daniel Brajkovic, brute, heurtée, ponctuée de fulgurances étonnamment classiques, emmène jusqu’au bout de leur dérive ces êtres qui ne peuvent exister que dans le paroxysme.
J’avais ce roman dans ma PAL depuis quelques années, fait extrêmement rare chez moi puisque le temps moyen que reste un livre dans ma PAL se limite généralement à quelques mois, maximum 1 an et que ma PAL reste toujours en dessous de 30 titres.
Donc lorsque j’ai fait ma liste pour le Défi du Nom de la Rose, je me suis dit « Génial, enfin une occasion de lire ce satané bouquin ! ». Je ne me souvenais même plus pourquoi je l’avais acheté, ni la couverture, ni le titre ne me plaisaient…
Bref, tout ça pour dire qu’il partait avec un très lourd handicap ce roman…
Et contre toute attente, c’est un quasi coup de cœur. Je l’ai lu très rapidement et sans pouvoir le reposer (toujours le même problème du métro qui arrive à la station 3 paragraphes avant la fin du chapitre…) sauf quand j’y étais obligée.
L’histoire est dure, sans espoir, pour les 3 personnages principaux (Roberto, Rico, Sergio) ainsi que pour les personnages secondaires. Roberto dit notamment, et c’est le seul moment où il montre une faille : « J’ai envie l’espace de cinq minutes de croire à des mensonges. ». C’est ce genre de personnages que l’on voit de plus en plus, dans les romans comme dans les films, qui n’ont aucun but, qui ne vont nulle part et sont tout simplement incapables de s’adapter à la vie proposée par notre société mais sans que ce soit une histoire de quartier, d’éducation ou de ressources. D’ailleurs, ils ont des références culturelles, littéraires, musicales ou tout simplement de culture générale qui montrent qu’ils n’ont pas été rejetés par notre société dès leur enfance mais au contraire que ce sont bien eux qui la rejettent. Alors ils subissent et lorsqu’ils explosent, cela se fait forcément dans une violence extrême.
Sergio est décrit ainsi par ses amis : « Il a une personnalité difficile à, saisir, il a l’air tout le temps gentil, souriant, et pourtant, quelque part, c’est un monstre qui sommeille en lui. ».
L’écriture est claire, visuelle, un peu comme des mises en scènes, façon scénario : « Noir presque total mais peu à peu on distingue des ombres, lorsque soudain une lampe blafarde s’allume. […] On entend le bruit de quelqu’un qui se lève. ».
Par la noirceur du ton, l’absence d’espoir, l’errance sans but des personnages, j’ai pensé à Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr (billet ici) que j’ai lu il y a peu. Et en effet, Brajkovic rend un petit hommage à Selby en faisant dire à un de ses personnages : « J’ai envie de terminer Last Exit to Brooklyn de Selby, c’est un bouquin génial, tu devrais le lire, je suis sûr que ça te passionnera. ».